En juin 2005, apparut un livre qui nous a rappelé soudain ce
qu’idéalement devrait être un livre : une
proposition neuve, un geste radical, un volume splendide. Intitulé Aussi
haut que nous le pourrons. Aventures dans le commerce de la poésie,
il est publié par Monsieur Toussaint-Louverture. À l’initiative
de Thierry Acot-Mirande, il s’agissait de constituer une anthologie
de la poésie contemporaine. Mais une anthologie de la poésie « par
elle-même », c’est-à-dire, en lançant
une grande invitation ouverte, sans critères préétablis.
Le filet peut paraître trop ample et hasardeux : au vu du
résultat, on ne peut rêver rigueur plus totale.
Comme le
résume très bien l’éditeur, Dominique Bordes : « Thierry
a réuni des forces. Qu’elles aient été reliées
ou non, maintenant elles cohabitent, elles se présentent, se confondent,
s'opposent et accaparent, les unes avec les autres. » Quelles
sont ces énergies, attirées par la force gravitationnelle
du projet ? Asia Argento, France Bourgeois, Michel Bulteau, Tina
Brown Celona, Jean-Christophe Ferrari, Giovanni Fronte, Richard Hell,
Alain Jugnon, Daniel Leuwers, Lydia Lunch, MBZ, Matthieu Messagier, Alexis
Van Luys, F. J. Ossang, Jean-François Patricola, Claude Pélieu,
Didier Rouge-Héron.
On le constate à la simple lecture
de ces noms : de nos jours et comme toujours (c’est-à-dire
avant le XIXème siècle et la réduction éditoriale
de la poésie au littéraire), les poètes chantent,
dansent, font des concerts (punk, rock, beat), réalisent des films,
traduisent, éditent d’autres poètes, défendent
farouchement leurs idéaux avec tous les moyens expressifs dont
ils disposent. Une figure secrète traverse beaucoup d’entre
eux : celle de Burroughs, qui n’unifie rien mais irradie partout.
Comme Burroughs, les auteurs publiés dans Aussi haut que nous
le pourrons constituent autant de personnalités fascinantes,
la distinction entre vie et œuvre n’ayant grâce à eux
plus aucun sens. Super-star comme Asia Argento, anti-star comme Lydia
Lunch ou Richard Hell, phares comme Michel Bulteau ou F.J. Ossang, hors
du monde comme Giovanni Fronte, déjà mythiques comme Matthieu
Messagier, Claude Pélieu ou France Bourgeois…
« L'écrivain
ou l'artiste est plus ou moins en porte-à-faux dans le monde ;
qu'il le veuille ou non, son activité est asociale. Donc,
ces individualités fortement campées sont des créateurs
qui me paraissent de grands aventuriers de l'esprit et aussi du
corps ;
ils vont jusqu'au bout, ils paient de leur personne ; ce sont
des destins. » (Thierry Acot-Mirande). Ainsi, lorsque
l’on
rencontre F.J. Ossang, on se trouve soudain confronté à un
bloc de poésie vivante, dont non seulement les films, les
textes, les disques, compagnons quotidiens, réclament d’être
vus, lus et entendus sans cesse, mais dont chaque geste, chaque
parole, chaque acte mériteraient d’être consignés
pour leur beauté, leur énergie, leur drôlerie,
une gentillezza digne des premiers compagnons de Francesco tels
que les a représentés
Rossellini. Ce n’est qu’un exemple prélevé sur
le corpus des artistes réunis ici, pour indiquer comment
la poésie
contemporaine n’élabore pas un ailleurs du monde,
elle enflamme celui-ci de ses intensités neuves.
C’est
pourquoi, pour cette fois, la Cinémathèque française
ne se contentera pas de projections, elle leur associera la présence
incomparable de certains des plus grands poètes de notre
temps.
« Fuck art, let's dance, disait un bombage punk
sur les murs de Paris en 1978. Et c'est aussi l'une des meilleures
raisons de publier un livre de poésie en 2005. » (Thierry
Acot-Mirande).
. . . . . .
Pensez à réserver !
V
O I C I L E M A J E S T U E U X P
R O GR A M M E
D U 1 0 M A R S A
U 2 1 A V R I L 2
0 0 6
Vous serez étonner !
. . . . . .
V
E N D R E D I 1
0 M
A R S , 1 9 h 3 0
F . J . O S S A N G I
N P E R S O N
Lecture par F.J. Ossang
suivi de
Docteur Chance de F. J. Ossang,
France-Chili, 1997, 97’,
35 mm avec Elvire, Pedro Hestnes, Joe Strummer, Marisa Paredes.
« Joe
Strummer est tombé dans le ciel ce 23 Décembre.
Éclats. London’s falling. Comment tuer les
mots. Nous sommes seuls, murés
dans une poche de France. En 96 nous étions au Chili – Joe
Strummer était
venu jouer le ghost pilot fatal. On s’était connu à Londres
en 1994. Il avait lu le script puis dit : « Acting
is better for Actors, no… »
Générosité finale,
il avait lancé : – ok, Ossang, je le fais… et
du même élan
complice avait tracé le schéma de la naissance écossaise
de sa mère, entre Bonar Bridge et Clashmore (sic !)
– quand lui-même avait vu le jour en Turquie… Et
puis les ans étaient
passés, visite à Paris, fax et fax, mois vides, no
french production, Dr Chance film impossible… En 1996, quand
j’avais enfin pu faire
signe à Joe pour indiquer que nous partions tourner au Chili,
sa réponse était
tombée : – too late, trop rêvé « from
the corpse of universe ». Désespéré bien
que je comprenne sa lassitude, j’avais adressé un
dernier fax :
la photo de Fitzgerald levant depuis les années du gin,
sous-titrée
de la nouvelle « Cent faux Départs » pour
signer juste : « So Long, Joe… »
Dans
la nuit même,
vers 5 heures, le phone avait sonné : « You’re
right, Ossang – Let’s Go… ». Trois
mois plus tard, le film implosait en plein désert d’Atacama.
Strummer avait débarqué,
impérial via Santiago et Iquique, à 3000 mètres
dans les Andes, précisément à Mamina… Le
Dr Chance était
en extrême péril – mais Joe était toujours là.
Fast cars, Cédes et Pontiac, fast girls, et ce jet échoué dans
le désert – playing Crude Rock’n’Roll & Nude
Life – Angels
luisant parmi l’acier solaire liquide et les morceaux de
ténèbres.
TOUT, soudainement, s‘était réuni, étoiles
au bout des doigts pour décrire le mariage blakien du ciel
et de l’enfer…
Cette nuit Joe s’en est allé,
gardé par les plus
divins chevaliers d’Arthur – la Banshee veillant à la
réincarnation du génie passé par l’Ecosse,
le Caire, New-York et le Mexique… Terrible calcul de W.S.Burroughs,
ce 23 Joe Strummer s’envole – voir si le ciel existe… Love
Forever Joe… See You Soon…
Your Brother F.J.
Ossang (23 Décembre 02) »
—
V
E N D R E D I 1
0 M A R S , 2 1 h 3 0
L Y D I A L U N C H I
N P E R S O N
Lecture par Lydia Lunch
[le
tract d'invitation de Lydia Lunch]
suivi de
Like Dawn to Dust
de Vivienne Dick, 1981, EU, 6’, S8
Submit To Me
de Richard Kern, 1985, EU, 12’, 16 mm
The Right Side of My Brain
de Richard Kern, 1985, EU, 23’, 16 mm
Fingered
de Richard Kern, 1986, EU, 25’, 16 mm
. . . . . .
V
E N D R E D I 24 M
A R S , 1 9 h 3 0
A S I A A R G E N T O (
I )
La Scomparsa
de Asia Argento, 2000, Italie, 8’, video
(Vonst).
Portrait de la poètesse et violoncelliste Roberta
Castoldi
Scarlet Diva
de Asia Argento, 2000, Italie/EU, 91’, 35 mm
Avec Asia Argento, Jean Shepard, Daria Nicolodi, Schoolly-D
« Rated R for strong sexuality, language and drug content »
—
V
E N D R E D I 2
4 M
A R S , 2 1 h 3 0
A S I A A R G E N T O (
I I )
Le livre de Jérémie
(The Heart Is Deceitful Above
All Things)
de Asia Argento, 2004, EU, 98’, 35 mm
Avec Asia Argento, Jimmy Bennett, Dylan Sprouse, Cole Sprouse,
Lydia Lunch, Marilyn Manson, Peter Fonda.
« Rated R for intense depiction of child abuse/neglect, strong sex
and drug content, pervasive language and some violence. »
. . . . . .
V
E N D R E D I 7 A
V R I L , 1 9 h 3 0
R I C H A R D H E L L E
T
J
O Y A U X D U C
I N É M A P U N K .
Lecture par Richard
Hell
Final Reward
de Rachid Kerdouche
États-Unis/1979/70 minutes/16 mm
Avec Richard Hell, Cookie Mueller,
Terry Toye, John Sex.Musique
par Richard Sohl
. . . . . .
V
E N D R E D I 7 A
V R I L , 2 1 h 3 0
F R A N C E B O U R G E O I S .
En présence de France Bourgeois
France Bourgeois est écrivain et scénariste. Elle n’a
pas écrit le film de Pierre Jallaud, mais y interprète
un rôle (sous pseudonyme), et le considère comme un admirable
exemple de style et de cinéma d’auteur.
Une infinie tendresse
de Pierre Jallaud, France, 1969, 92’,
35 mm
Deux petits garçons dans un centre pour enfants handicapés.
Selon le critique Callisto Cosulich, l’un des plus beaux films
d’amour de l’histoire du cinéma.
. . . . . .
V
E N D R E D I 2
1 A
V R I L , 1 9 h 3 0
T A V F A L C O .
En présence de Tav Falco
Tav Falco, chanteur, compositeur, acteur, réalisateur et danseur,
est le leader du groupe Panther Burns. Du chef d’œuvre de
simplicité radicale et empathique que représente Honty
Tonk à l’ambiance « magick » de Love’s
Last Warning où l’on retrouve Kenneth Anger, de l’influence
de Jean Rouch à celle de l’expressionnisme allemand, le
parcours de Tav Falco manifeste une intégrité bien comprise,
au sens d’une exploration ouvrant progressivement et résolument
l’éventail des rituels dansés. Son œuvre de
cinéaste traite la danse tantôt dans sa dimension d’activité pulsionnelle,
libératoire et inappropriable, tantôt comme fête quotidienne
collective, comme cérémonie de réglage, comme ensemble
de techniques disciplinaires, comme émergence de fables et de
mythes corporels ou comme hygiène pour une élégance
vitale.
Shade Tree Mechanic
de Richard Pleuger, 1970, EU, 21 min 40, 16 mm
Honky Tonk
de Tav Falco, 1974, EU, 26 min, video
Avec Rural Burnside. Sur le blues pris à sa source la plus intense,
un chef d’œuvre d’une beauté simple, radicale,
envoûtante.
Memphis Beat
de Robert Gordon, 1989, EU, 3 min, video
Why Was I Born (Too Late)?
de Rainer Kirberg, 1992, Autriche, 4 min 40, 35 mm
Love's Last Warning
de Rainer Kirberg, 1995, Autriche, 5 min 34, 35 mm
Avec Tav Falco et Kenneth Anger
—
V
E N D R E D I 2
1 A V R I L , 2 1 h 3 0
J U S T I N E M A L L E &
J
E A N - C H R I S T OP H E F E R R A R I
I
N P E R S O N.
Lecture par Jean-Christophe Ferrari
suivi de
Carnets de Shanghai
de Justine Malle, France, 2004, 15’, video.
Lumière d'avril
de Justine Malle, France, 2004, 25’,
video.
Description empathique des quartiers pauvres de la Nouvelle-Orléans
juste avant les cyclones
Night for Day
de HC Gilje, Norvège, 2004, 28’,
video.
Rugissements de Shanghai, clameurs visuelles de toute mégalopole,
l’état plastique actuel des Symphonies urbaines.
La Cinémathèque remercie tous les
artistes, distributeurs et ayant-droits, Dominique Bordes et Monsieur
Toussaint-Louverture. Les films de HC Gilje sont édités
par Lowave. Manifestation co-produite avec Thierry Acot-Mirande. « Parce
que la poésie est à notre époque une activité absolument
dénuée d’importance ».
Accéder au livre Aussi haut que nous
le pourrons.